Même si 3 milliards de personnes de par le monde étaient connectées et se servaient de l’Internet à la fin de 2014, au moins 4,3 milliards de personnes, dont 90% habitant dans des pays en développement, ne l’étaient toujours pas. Mirian Teresita Palacios Ferreira, Présidente de CONATEL, explique comment elle s’emploie à réduire cette fracture numérique au Paraguay.
La société devient chaque jour plus connectée. Aujourd’hui, une ménagère habitant une région rurale du Paraguay peut recevoir sur son mobile de l’argent envoyé par son fils travaillant en Espagne. Elle peut, grâce à ce même mobile, payer ses factures pour la fourniture de services publics sans quitter sa maison. Sa fille peut se connecter à une plate-forme d’apprentissage virtuel et poursuivre ses études quand elle rentre chez elle de son travail dans la capitale. Par la suite, toute la famille peut se retrouver en visioconférence et rester connectée, en dépit des distances.
Pourtant en 2013, le taux de pénétration de l’Internet au Paraguay n’était que de 36,9%. Autrement dit, l’exemple ci-dessus fait toujours figure d’exception pour la plus grande partie de la population.
Le Paraguay est bien placé pour prendre les dispositions nécessaires pour que chacun bénéficie de toutes les possibilités des technologies de l’information et de la communication (TIC); le pays est en effet l’un de ceux qui a la plus forte croissance économique en Amérique du Sud, la pauvreté y a baissé depuis une dizaine d’années et l’éducation de base est accessible à tous et gratuite.
La question est de savoir comment faire fructifier ce potentiel pour transformer le Paraguay en une économie numérique florissante.
Cette tâche m’incombe depuis peu. En tant que Présidente de la Comisión Nacional de Telecomunicaciones (CONATEL), mon travail est de mettre à profit le rôle crucial joué par les TIC dans le développement du pays et de faire en sorte que chaque habitant du Paraguay ait accès à ces technologies.
Je suis déterminée à ce que chacun bénéficie des perspectives offertes par la connectivité Internet et que l’exemple présenté plus haut devienne réalité pour chaque famille vivant au Paraguay.
Un Paraguay connecté: quelles conséquences?
L’accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC) devient d’autant plus nécessaire qu’une partie croissante de notre vie quotidienne se passe en ligne.
Sur le plan individuel, l’élargissement de l’accès aux connexions large bande facilitera l’accès aux services publics. L’accès aux soins de santé et à l’éducation sera encouragé par des initiatives en faveur de la santé sur mobile et des plates-formes d’enseignement en ligne. L’administration publique en ligne, qui permet d’informer les citoyens rapidement et aisément, sera bénéfique à la participation des citoyens à la vie politique et à la transparence des pouvoirs publics.
Le renforcement de la connectivité dynamisera aussi le commerce et l’activité des entreprises privées, ce qui profitera à la croissance économique nationale et à l’ensemble du pays.
Par ailleurs, l’existence d’un Paraguay mieux “connecté” nous donnera aussi l’occasion de faire connaître au monde la richesse de notre culture et de nos traditions – de présenter notre art, notre cuisine, notre peuple. Nous pouvons ainsi devenir pour le monde une source de savoir et enrichir le patrimoine de l’humanité.
Le grand défi à relever
Toutefois, mettre les avantages des systèmes de télécommunication à la portée de tous les habitants du Paraguay représente un véritable défi, principalement en raison de deux problèmes étroitement liés: l’accessibilité économique de la technologie et les infrastructures.
La géographie du Paraguay fait obstacle à l’Internet haut débit et à faible coût. Pays sans littoral, le Paraguay dépend des pays limitrophes pour l’accès aux câbles sous-marins à fibre optique qui relient la plupart des pays à l’Internet.
Cet enclavement fait à son tour grimper les prix. Une connexion à 0,75 Mbps coûte 21 USD, soit 6% du revenu mensuel moyen des habitants du pays. En conséquence, seuls 10% des ménages ont accès à l’Internet fixe. Le large bande mobile est une solution qui se substitue avantageusement au large bande fixe, puisqu’une connexion à 500 Mo ne coûte que 11 USD, soit 3,5% du salaire mensuel moyen. C’est pourquoi 25% de la population se connecte à l’Internet sur des dispositifs mobiles (19%) ou des clés USB (6%).
Les résultats du Paraguay sont inférieurs à la moyenne, tant pour la région Amériques que pour les pays en développement au niveau mondial. C’est ce qui ressort de l’édition 2013 de l’Indice de développement des TIC (IDI) établi par l’UIT, qui mesure l’accès de chaque pays aux TIC, l’utilisation de ces technologies et les compétences requises. Pour le Paraguay, la valeur de l’Indice IDI était égale à 3,71, alors que la moyenne s’établissait à 3,84 pour les pays en développement et à 4,86 pour la région.
Or, les Paraguayens sont désireux de se connecter. Nous devons donc nous efforcer de développer les infrastructures nécessaires pour répondre aux attentes de notre population et encourager le développement des TIC dans notre pays.
Connecter le Paraguay
Au cours des années, CONATEL a lancé un certain nombre d’initiatives visant à connecter le Paraguay, en privilégiant une stratégie multi-parties prenantes fondée sur la collaboration avec d’autres organismes ou institutions publics aux niveaux fédéral, régional et municipal.
En 2007, CONATEL a libéralisé le marché des connexions Internet internationales de Terre, ce qui a entraîné une augmentation de 715% du débit moyen maximal de l’Internet entre 2007 et 2011.
D’autres projets analogues ont pour but de trouver des solutions innovantes pour remédier aux problèmes auxquels nous nous heurtons en tant que pays sans littoral, en recherchant des itinéraires permettant de nous connecter aux réseaux internationaux sous-marins à fibre optique. Nous étudions actuellement des possibilités de liaisons avec l’Atlantique via l’Argentine et le Brésil, et avec le Pacifique via la Bolivie et le Pérou, ce qui aurait pour avantage de faire baisser le coût des projets en faveur du large bande.
En outre, le Plan national pour les télécommunications (PNT), qui établit pour la période 2011‑2015 le développement du large bande au Paraguay, accorde une grande importance au déploiement de réseaux dorsaux à fibre optique à l’intérieur du pays. Grâce à des initiatives privées subventionnant le Fonds pour le service universel, selon nos estimations, la totalité des 250 municipalités devraient avoir des liaisons à fibre optique d’ici à la fin 2015, ce qui élargira considérablement l’accès au large bande. De plus, afin de profiter du bon niveau de pénétration du large bande mobile, CONATEL va bientôt lancer un appel d’offres pour le large bande mobile 4G.
Grâce aux financements du Fonds pour le service universel, nous avons aussi pu installer des bornes WiFi dans 50 lieux publics, avec accès gratuit, dans 36 municipalités, fin 2014. Dans ces endroits, les habitants peuvent avoir accès aux principaux services publics, contacter leur famille, ou étudier sans frais. A la fin de cette année, ce service sera fourni à 70 autres lieux publics de 60 municipalités. A mesure que ce programme se développera, nous espérons faire profiter tout le pays des avantages de l’Internet.
La prochaine génération
La réduction de la fracture numérique au Paraguay passe par les jeunes, grands consommateurs de TIC; selon le Rapport Mesurer la société de l’information, établi en 2013 par l’UIT, le taux de pénétration de l’Internet chez les jeunes était de 53,9% au Paraguay. De plus, 19,5% des jeunes de ce pays sont nés avec le numérique, c’est-à-dire qu’ils sont en ligne depuis cinq ans ou plus. Nous devons en tenir compte et donner à la génération montante les moyens de devenir l’un des moteurs de la croissance des TIC au Paraguay.
A présent, CONATEL, en coordination avec d’autres organismes comme le Secretaría Nacional de Tecnologías de la Información y la Comunicación (SENATICs), se prépare à mettre en oeuvre le Plan national pour le large bande couvrant la période 2016-2020. L’un des principaux objectifs sera d’encourager les jeunes à se former aux TIC pour leur donner de meilleures chances de trouver un premier emploi et de mettre en valeur leurs talents. Par ailleurs, le Fonds pour le service universel a subventionné la connexion de 123 établissements et centres d’enseignement gérés par le Ministère de l’éducation et de la culture, correspondant à 28 municipalités dans diverses régions du pays.
La fourniture de connexions large bande à des lieux publics et à des établissements d’enseignement, complétée par une meilleure formation aux TIC, permettra aux jeunes d’avoir des contacts entre eux et leurs communautés et de jouer pleinement leur rôle de citoyens. A leur tour, ils auront les capacités et compétences nécessaires pour tirer parti des avantages de l’économie numérique.
A une époque où le secteur des TIC, en pleine évolution, est omniprésent dans toutes les facettes de la vie en société, nous ne pouvons nous permettre de rester “du mauvais côté” de la fracture numérique. Le renforcement de l’accès à des TIC financièrement abordables est vital, tant pour la qualité de la vie de mes compatriotes que pour la place du Paraguay dans l’économie numérique.
Ces efforts prendront du temps, demanderont une concertation au niveau international et de la patience. En ma qualité de Présidente de CONATEL et de citoyenne du Paraguay, je suis prête à relever ce défi.